Lachambre Avocat

La déclaration de soupçon et son chantage

La déclaration de soupçon et son étendard

Sur les espèces :

La déclaration de soupçon peut être un justificatif de refus de l’assureur comme prétexte de lutte contre le blanchiment. 

La déclaration de soupçon peut être l’objet de refus de l’assureur dans l’éventualité où ce dernier prétexte de lutte contre le blanchiment. Comme le souligne le principe et les exceptions :

Comme le souligne l’Article L112-6 du Code monétaire et financier

 

I – Ne peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique le paiement d’une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur, de la finalité professionnelle ou non de l’opération et de la personne au profit de laquelle le paiement est effectué.

Au-delà d’un montant mensuel fixé par décret, le paiement des traitements et salaires est soumis à l’interdiction mentionnée à l’alinéa précédent et doit être effectué par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal ou à un compte tenu par un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.

Lorsqu’un professionnel achète des métaux à un particulier ou à un autre professionnel, le paiement est effectué par chèque barré ou par virement à un compte ouvert au nom du vendeur. Le non-respect de cette obligation est puni par une contravention de cinquième classe.

 

II – Nonobstant les dispositions du I, les dépenses des services concédés qui excèdent la somme de 450 euros doivent être payées par virement.

 

II bis. – Nonobstant le I, le paiement des opérations afférentes au prêt sur gage peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique, dans la limite d’un montant fixé par décret.

 

III. – Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables :

a) Aux paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s’obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n’ont pas de compte de dépôt ;

b) Aux paiements effectués entre personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels ;

c) Au paiement des dépenses de l’Etat et des autres personnes publiques.

En somme, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est un combat sérieux et respectable.

Pour autant que les assujettis aux obligations de vigilance du Code monétaire et financier ne tentent pas d’instrumentaliser cette lutte, sous prétexte de déclaration de soupçon, en vue d’échapper à l’indemnisation de sinistres garantis. 

Un cas d'école simple et récurrent de déclaration de soupçon

Si un assuré subit un sinistre. Ici, le sinistre peut être divers : vol de véhicule, vandalisme, incendie, etc… Mais l’expertise amiable de droit en exécution du contrat d’assurance se trouve paralysée. Ici, l’expert de compagnie puis l’assureur lui reprochent de ne pas justifier de l’origine des fonds permettant à cet assuré d’acquérir les biens dont il sollicite l’indemnisation. Il émet une déclaration de soupçon.

C’est la version assurantielle du délit de faciès.

Le plus souvent, le règlement en espèce est un prétexte.

Cela relève d’une contravention sanctionnée par l’article L 112-7 du Code monétaire et financier. A noter : l’amende ne pouvant excéder 5% des sommes payées. A contrario, cela ne relève pas des affaires d’un assureur à la condition de supposer que les conditions posées par l’article L. 112-6 ne soient pas respectées :

En bref, la lutte contre la criminalité devient alors le prétexte.

Ainsi, pour justifier d’un droit de regard sur les finances personnelles d’un assuré, les compagnies renvoient parfois à une disposition de leurs conditions générales, qui peut être ainsi rédigée :

Lutte contre le blanchiment

Les contrôles que nous sommes légalement tenus d’effectuer au titre de la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme, notamment sur les mouvements de capitaux transfrontaliers, peuvent nous conduire à tout moment à vous demander des explications ou des justificatifs, y compris sur l’acquisition des biens assurés.

Ici, il s’agit simplement d’un rappel du contenu de l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier. Cet article prévoie notamment l’assujettissement des entreprises d’assurance mentionnées aux articles L. 310-1 et 2 du Code des assurances, aux obligations prévues aux dispositions des sections 2 à 7 du chapitre du Code monétaire et financier relatif à « la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ». 

 

 

Donc, le blanchiment et le terrorisme correspondent à des infractions pénales graves. La lutte contre cette criminalité ne saurait servir de prétexte à ce qu’un assureur mène arbitrairement des enquêtes auprès de ses assurés puis en prenne prétexte pour échapper à ses obligations de garantie.

Références

Déclaration de soupçon

ACPR : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Article L. 561-15 du Code monétaire et financier.

Tracfin : Service de renseignements financier

 

Quoi qu’il en soit, un assureur ne peut pas prétendre se substituer à TRACFIN pour échapper à une obligation contractuelle d’indemnisation d’un sinistre garanti.

 

Dès lors qu’en nul endroit le contrat d’assurance n’impose comme préalable à l’indemnisation d’un sinistre que l’assuré transmette ses relevés de compte (ce qu’un assureur ne se risquerait pas d’exprimer aussi frontalement lors de la souscription). Ainsi, rien ne permet à l’assureur d’invoquer la lutte anti-blanchiment pour prétexter ne pas pouvoir garantir.

 

A l’inverse, conditionner l’indemnisation d’un sinistre à la communication de justificatifs non-pertinents caractérise une faute contractuelle voire même une infraction pénale. 

Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes … 3° Elle entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur.

 

Sont réputées agressives au sens de l’article L. 121-6 les pratiques commerciales qui ont pour objet … 4° D’obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d’une police d’assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s’abstenir systématiquement de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce consommateur d’exercer ses droits contractuels

En conséquence, lorsqu’il n’y a pas de soupçon ou de bonnes raisons de soupçonner qu’un assuré ait disposé de fonds provenant d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à 1 an ou liés au financement du terrorisme, l’étendard de la déclaration de soupçon bascule plus certainement vers une autre infraction, commise par l’assureur cette fois : la pratique commerciale agressive.

Les montants :

Comme le souligne l’Article D 112-3 du Code monétaire et financier

 

I – Le montant prévu au I de l’article L. 112-6 est fixé :

 

1° Lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d’une activité professionnelle, à 1 000 euros pour les paiements effectués en espèces et à 3 000 euros pour les paiements effectués au moyen de monnaie électronique ;

 

2° Lorsque le débiteur justifie qu’il n’a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française, n’agit pas pour les besoins d’une activité professionnelle et paie une dette au profit d’une personne qui n’est pas mentionnée à l’article L. 561-2, à 10 000 euros pour les paiements effectués en espèces ou au moyen de monnaie électronique ;

 

3° Lorsque le débiteur justifie qu’il n’a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française, n’agit pas pour les besoins d’une activité professionnelle et paie une dette au profit d’une personne mentionnée à l’article L. 561-2, à 15 000 euros pour les paiements effectués en espèces ou au moyen de monnaie électronique.

 

II – Le montant mentionné au II bis de l’article L. 112-6 est fixé à 3 000 euros.

Les sanctions :

Comme l’illustre l’Article L 112-7 du Code monétaire et financier

Ici, les agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget constatent les infractions aux articles L. 112-6 à L. 112-6-2.

C’est pourquoi, le débiteur ou le mandataire de justice ayant procédé à un paiement en violation des mêmes articles L. 112-6 à L. 112-6-2 sont passibles d’une amende dont le montant est fixé compte tenu de la gravité des manquements et qui ne peut excéder 5 % des sommes payées en violation des dispositions susmentionnées. Le débiteur et le créancier sont solidairement responsables du paiement de cette amende en cas d’infraction aux articles L. 112-6 et L. 112-6-1.

Sur la lutte contre le blanchiment et le terrorisme

Dans le cadre de personnes soumises à une obligation de déclaration au Procureur de la République. Ici, elles ne sont pas soumises à une obligation de déclaration de soupçon.

D’après l’Article L. 561-1 du Code monétaire et financier

 

Ainsi, les personnes autres que celles mentionnées à l’article L. 561-2 qui, dans l’exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenues de déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu’elles savent provenir de l’une des infractions mentionnées à l’article L. 561-15.

 

Lorsqu’elles ont fait une telle déclaration, de bonne foi, ces personnes bénéficient des dispositions de l’article L. 561-22.

Les dispositions de l’article L. 574-1 leur sont applicables lorsqu’elles portent à la connaissance du propriétaire de ces sommes ou de l’auteur de ces opérations l’existence de cette déclaration ou donnent des informations sur les suites qui lui ont été réservées.

Ainsi, le procureur de la République informe le service mentionné à l’article L. 561-23 qui lui fournit tous renseignements utiles.

Les personnes soumises à une obligation de déclaration de soupçon à Tracfin

Comme le souligne l’Article L. 561-2 du Code monétaire et financier

 

Sont assujettis aux obligations prévues par les dispositions des sections 2 à 7 du présent chapitre :

[…]

2° Les entreprises mentionnées aux articles L. 310-1 et L. 310-2 du code des assurances ;

[…]

Les conditions d’une déclaration de soupçon

I – Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l’article L. 561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme.

 

II – Par dérogation au I, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 déclarent au service mentionné à l’article L. 561-23 les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini par décret.

 

III. – A l’issue de l’examen renforcé prescrit à l’article L. 561-10-2, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue au I du présent article.

 

IV– Toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration est portée, sans délai, à la connaissance du service mentionné à l’article L. 561-23.

 

V – Les tentatives d’opérations mentionnées aux I et II du présent article font l’objet d’une déclaration au service mentionné à l’article L. 561-23.

 

VI – La déclaration mentionnée au présent article est établie par écrit. Elle peut toutefois être recueillie verbalement, sauf pour les personnes mentionnées à l’article L. 561-17, par le service mentionné à l’article L. 561-23, dans des conditions permettant à ce dernier de s’assurer de sa recevabilité.

Ce service accuse réception de la déclaration, sauf si la personne mentionnée à l’article L. 561-2 a indiqué expressément ne pas le souhaiter.

 

VII. – Un décret en Conseil d’ Etat précise les conditions d’application du présent article et notamment le contenu et les modalités de transmission de la déclaration ainsi que les conditions dans lesquelles le service accuse réception de la déclaration et s’assure de sa recevabilité.

Ici, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Dans ce cas, ces personnes se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie.

Réf. Lignes directrices de l’ACPR sur les obligations de déclaration et d’information à TRACFIN

Les risques d’une déclaration de soupçon faite de mauvaise foi

Article L.561-22 du Code monétaire et financier

 

I – Aucune poursuite fondée sur les articles 226-10, 226-13 et 226-14 du code pénal ne peut être intentée contre :

a) Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 ou leurs dirigeants et préposés ou les autorités mentionnées à l’article L. 561-17 lorsqu’ils ont, de bonne foi, fait la déclaration prévue à l’article L. 561-15 dans les conditions prescrites par les dispositions législatives ou réglementaires applicables ou lorsqu’ils ont communiqué des informations au service mentionné à l’article L. 561-23 en application de l’article L. 561-25 ou lorsqu’ils ont, de bonne foi, signalé une divergence en application de l’article L. 561-47-1 ;

[…]